7 mai 2009 4 07 /05 /mai /2009 16:12

Ainsi qu'à mon habitude, Grand-père, je voyageais, ce jour-là encore, c’était en 1994, dans le Livre de la Vérité de Parole*. J'ouvre au hasard : quatrième porte, la lutte contre les forces du mal. Et là, enchâssée entre deux pages, à ma grande surprise, comment ne l’avais-je pas découverte plus tôt, je découvris une lettre écrite par J.C. Mardrus, à une certaine Lady R.

«La Source des Fées» à Saint Laurent sur Mer (calvados)   le 27 août 1924…
Madame,
Rentré d’un petit voyage, on me remet votre lettre qui me flatte et m’honore.
Je serais donc très heureux de causer avec vous de ce Livre qui a vos suffrages. Si une petite excursion jusqu’à St Laurent sur Mer, qui est une plage grave et pure, ne vous effraie pas trop, ce serait avec un plaisir extrême que les Fées de ma Source vous recevraient dans cette cabane en résine que j’habite.
Vous n’auriez qu’à m’envoyer ici un petit mot, deux jours à l’avance. Sinon, dans un mois, dès ma rentrée à Paris, je me ferais un devoir de me mettre à votre disposition.
Mon adresse à Paris est 202 Bd St Germain, à quelques pas de votre maison et en ligne droite.
Miss Nathalie B, qui est une amie de toujours, m’a souvent entretenu de vous.
Veuillez agréer, Madame, mes hommages très respectueux, et mes remerciements pour votre bonne grâce.»            J C Mardrus

«La route à suivre, pour venir ici de Blonville, est fort simple :
Caen, Bayeux, Formigny et St Laurent sur Mer.
Je vous attendrais, ici, à l’Hôtel Lebassacq, sur la plage, pour vous guider jusqu’à mon petit domaine.»


Était-ce un signe du destin ? le plus pur des hasards ? j’étais troublée.
De toute évidence il y avait beau temps que j’aurais dû découvrir cette lettre, il y avait là quelque chose d’incompréhensible, quelque chose de mystérieux.
Il faut dire que je connaissais Mardrus depuis l’âge de 5 ans et que je lui portais une affection toute particulière. J’avais fait sa connaissance dans le grenier de mon grand père où je passais de longues heures à rêver, parmi cette catégorie si particulière d’objets, devenus temporairement inutiles et entreposés là en attendant une improbable remise en service.
Parmi eux, deux volumes des mille et une nuits traduites par lui. J’adorais feuilleter ces livres, j'étais trop jeune pour en comprendre le sens, mais je me rappelle avoir passé de longues heures  à la contemplation de leurs enluminures.
C’était le rêve absolu, le passeport pour d’immenses voyages dans l’imaginaire.
Ils m’ont accompagnée partout et, bien que dépareillés d’une série, ils ont toujours leur place dans ma bibliothèque.
Et voilà que, curieusement, m’arrivait en main cette proposition de rendez-vous du maître tant admiré, écrite 70 ans auparavant et auquel je me sentais à mon tour conviée.
Il est des moments dans la vie où il faut se laisser porter par la vague, je décidais donc de me rendre à Caen.
Comme elle était plaisante l’idée de découvrir la source des fées du Dr Mardrus.

J’ai donc emprunté l’autoroute, t’en souviens-tu Grand père ? l’essuie glace a grincé durant tout le voyage.
Te souviens-tu aussi de la tristesse de ce jour de pluie sur la plage ? Le passé avait été rasé.
Partout, des bâtiments neufs rendaient le paysage impersonnel. Je ne savais pas où diriger mes pas.
Les quelques passants amnésiques à qui je m’adressais me regardaient surpris et impuissants, comme si j’étais débarquée d’une autre planète.
Je cherchais la source des fées et la cabane de Mardrus, et tout avait disparu Grand père, avalé par la guerre.

Le patron du nouvel hôtel, quelque peu nostalgique, avait farfouillé un instant dans un tiroir et m’avait montré des cartes postales de la plage de Saint Laurent, avec l’hôtel Lebassacq, avant…
Avant que la folie meurtrière ne la défigure et ne le fasse disparaître.
Là, sur le carton jauni, était fixée l’image d’un temps où, à n’en pas douter, pouvaient exister les fées.
Je plongeais mon regard dans l’univers captif de cette photo surannée qu’avait connu Mardrus, tentant, comme l’aurait fait André Hardellet, de pénétrer les secrets de cette image.
Où donc étaient les fées ? Étaient-elles mortes, s’étaient-elles enfuies ? s’étaient-elles cachées ?
J’espérais ce jour-là les faire sortir de l’oubli.
Alors j’ai marché, à l’aveuglette. L’eau, il n’en manquait pas, le ciel était au rendez-vous pour alimenter les sources.
Mais la source des fées, où était-elle ?

La plage était superbe, nul pas n’était venu troubler l’harmonie de cette étendue  vierge, de sable détrempé. Je contemplais l’éternité, je franchissais l’espace et le temps, projetée en 1924 et quelque part, dans sa cabane, Mardrus attendait que je vienne frapper à sa porte.
Le vent bousculait l’inanité du présent, il m’ensorcelait …
«Je n’ai respiré que par la narine de l’Océan et par l’éventail des vagues…
Salut donc, horizon splendide du ciel du nord, dans le Grand Bassin très vert…» *
Comment ne pas être pénétrée de l’énergie de ces mots devant ce paysage ? La mer avait ces tons bleu-vert que lui confère la saison d’hiver.
Les yeux rivés sur l’horizon, j’imaginais Mardrus à cette place, venu se ressourcer après de longues heures passées à traduire ces textes, témoins du savoir initiatique de l’Égypte antique.
Je l’imaginais encore marchant silencieusement en compagnie de cette lady R. à qui il avait dédié son livre, le «livre de la Vérité de Parole», par ces mots : « à lady R. ce livre qui de toute éternité lui était destiné».
Comme j’aurais aimé alors être cette lady R., moi qui étais devenue à mon tour, après deux années d’attente, propriétaire comblée au-delà de toute espérance, de ce livre classé désormais parmi les «introuvables», avec cet  exemplaire unique sur papier de chine signé par l’auteur et l'éditeur : un trésor.
Les Fées étaient au rendez-vous Grand-père, et si je n’avais pu identifier, ni la cabane, ni la source, je suis revenue riche de cette richesse destinée aux rêveurs, aux dénicheurs de rêve dont je fais partie.
Et, lorsqu’une vive lumière a traversé les flots sur l’horizon, peut-être le reflet du soleil sur la coque d’un bateau, j’ai su que ma quête n’était pas demeurée vaine, que les fées, toujours discrètes, avaient murmuré quelque vieux secret à l’oreille de mon coeur et que, sans pouvoir l’expliquer, j’en avais compris le sens.

Les fées soient avec toi Grand père.
AD


Photo du Dr Mardrus par Nadar
*extrait du livre de la vérité de Parole, hauts textes initiatiques de l'Egypte ancienne traduit par le Dr Jean Charles MARDRUS, orientaliste éminent et grand voyageur.



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  • Comédienne, metteur en scène, diplômée en Qi Gong, j'écris, je peins.
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