Ci-dessus partition de la chanson populaire que mon père souhaitait que je chante
J'avais déjà publié ce texte, mais...
Pour répondre au défi N° 23 de la RUCHE "parler d'une île", je n'ai pas envie de parler d'une autre île que celle-ci.
Elle vit dans mon cœur cette île où chantent les Rossignols.
Lorsqu'il était encore parmi nous, mon père souhaitait que je chante le chant du rossignol
"u rusignolu".
J'ai chanté beaucoup de choses, mais jamais le chant du rossignol.
Alors, pour lui rendre hommage, j'ai écrit cette cantate avec le secret espoir qu'un jour elle sera mise en musique et en scène et que de là où il est, il l'entendra.
Le Chant du Rossignol est le chant de la Terre Corse, la respiration des herbes de son maquis, le parfum de ses pierres.
Il vient des profondeurs de l'île pour nous rappeler nos racines.
Sur un arbre dans le maquis, il y avait deux Rossignols qui ne faisaient que chanter :
"Aujourd'hui c'est le printemps nous allons nous marier
Sur cet arbre, nous ferons notre nid
Personne ne le trouvera
Dans ce nid de plumes, il naîtra des oiseaux
Nous leur apprendrons à chanter
Puis sur cet arbre, dans le maquis
Il y aura dix Rossignols, cent Rossignols, Cent mille Rossignols
Les Rossignols du maquis chanteront la Liberté".
Mais un jour, dans le maquis, des Rossignols ont quitté l'arbre.
Ils se sont envolés vers des terres lointaines et traversé la mer pour chercher fortune ailleurs.
Les Rossignols de l'exil eux aussi ont bâti des nids
Sur un arbre, loin du maquis, avec des Rossignols d'ailleurs.
Là, naquirent des petits, des petits à demi du maquis.
Mais à demi ce n’est pas une mesure.
D’où étaient-ils ces oiseaux là ?
De cette terre où ils étaient nés par hasard ?
De celle de la mère qui était d’ailleurs ?
Ou de celle du père qui était du maquis ?
Les petits de l’exil sont toujours du pays du parent exilé.
-Dis, Papa, parle-moi du pays, dis, c'était comment le maquis ?
Le Rossignol du maquis eut un silence et, dans ses yeux, l’enfant traversa la mer, s’emplit l’âme de ciel bleu, du parfum d’herbes sèches brûlées de soleil et du murmure des pierres sauvages.
Elle goûta la beauté que donne au pays le vent de l'exil.
Elle rêva du Golo, du Monté Cinto
Elle sentit s’éveiller en elle cette racine qu’elle ne soupçonnait pas.
Elle venait de découvrir d’où elle était, d’où elle venait, de quoi était faite son âme.
Quand le père se mit à chanter, il rayonnait du feu de l'île et la petite, émerveillée, fut alors fière de ses origines.
Elle était du pays de son père !
Lui que les gens appelaient « le Corse » pour bien marquer la différence.
Lui, l’étranger sur le continent, lui dont les origines l’avaient faite étrangère à son tour.
Elle compris d’où lui venait cette expression de tristesse qui apparaissait parfois sur son visage lorsqu’il se croyait seul et elle l’admirait de n’en parler jamais.
La Corse
Tout tenait en ce nom !
Corsica Mama, dont les battements de cœur résonnaient si violement dans sa poitrine depuis qu’il l’avait quittée et que le temps au lieu de calmer intensifiait. Un jour, il lui avait confié qu’il parlait seul en Corse afin de ne pas oublier sa langue maternelle, celle qu’il avait été obligé de partager avec le Français en arrivant à l’école.
Pour son âme d’enfant, aucun pays au monde ne pouvait être plus beau.
Aucun peuple au monde ne pouvait être plus fier, plus admirable.
Comme il parlait bien du pays
Comme il savait lui rendre vie, le lui faire partager…
Alors l'enfant se mit elle aussi à chanter en redressant la tête
- Moi aussi je suis un rossignol du maquis
En moi brûle le feu du cœur de l'île
Sa sauvagerie
Je porte en moi son âme
La force de ses forêts
L'escarpement de ses montagnes
La respiration de ses côtes
Je porte en moi le parfum de ses herbes, la couleur de ses ciels
Et par toutes ces beautés, par toute la souffrance de cette séparation, je peux moi aussi revendiquer : « È su corso è su fieru ! »
Tu as écouté le chant de ton père ma filiula, et tu es née à notre Terre.
Tu portes en toi la graine du pays en exil
Tu vas grandir, elle grandira et, en son temps, elle fleurira
Et toi aussi tu chanteras l'amour inconditionnel de ta Terre
Cette Terre qui déjà te brûle l'âme et le sang.
Toi aussi tu vivras la déchirure
Tu chanteras ta Terre pour rappeler à tous les Rossignols, qu'ils soient nés sur Elle ou en exil que notre chant est un, par-delà les idées, les mers, les frontières.
Tu chanteras que la Liberté ne peut naître que de l'union de nos voix pour dire le Pays où nous prenons source.
Tu chanteras que chaque voix de chaque Rossignol est un fleuve et que l'union de ces fleuves est une mer ; une mère, qui berce notre Terre.
Tu chanteras qu'un fleuve est fleuve et que la nature ne fait rien à demi.
Tu chanteras que tu es fleuve en totalité et que l'oublier peut tuer notre mémoire.
Tu chanteras que la force de nos eaux unies est un rempart contre la destruction.
Tu chanteras aussi que tout Rossignol né en exil, qui un jour entendit ce chant, est un enfant de nos forêts, un garant de notre mémoire et que son chant mêlé au nôtre, c’est le chant du Rossignol.
Tu leur diras, ma fille, que la Corse est un Rossignol qu'aucune force n'empêchera jamais de chanter.
Tu leur diras aussi que c’est de ce tout petit bout de la grande Terre Mère, dont nous sommes aussi les enfants, que nous tirons notre force. Comme nos frères d’autres pays tirent leur force de leur terre natale.
Se reconnaître d’une terre est essentiel, mais cela ne doit pas nous égarer, nous sommes avant tout les enfants de la Terre, les frères de tous les peuples.
Tu vois ma fille, la Terre est comme un peintre qui aurait donné à chacun un petit morceau d’elle-même pour qu’en y plantant nos racines nous chantions ensemble toutes ses couleurs.
Adamante
En hommage à mon père Jacques qui m’a faite ce que je suis, et à son père
Simon-Pierre, qui l’avait fait ce qu’il était.
Protégé Sacem -dans l'attente d'un compositeur-
J'ai reçu de Dominique , et cela me touche beaucoup,
cette complainte « U rusignolu » :
"Maman nous la chantait lorsque nous étions enfants".
Pour écouter la chanson visitez le village de Fanfan
In casa à mè nascì un bel' amore
In casa à mè cantava u rusignolu.
Ma sò dighjà culor' di dolu
U rusignolu ùn pò campà.
In core à mè canta una malacella
In core à mè speranza ùn ci n'hè più !
Addiu o la me bella ghjuventù
Paese caru addiu à tè addiu !
Mmm...
Cumu lascià sti lochi tanti amati
Muntagne care è machjoni fiuriti ?
Duve sò l'acelli è li banditi
Cumpagni arditi persi per mè ?
Cumu lascià stu mare luminosu
In a to sciuma amara vogliu andà
Per batte i scogli senza mai chetà.
Da tè mi vene amore è si ne và.
Que vivent les chants du Rossignol pour l'île de Beauté !