Jeudi en poésie
CROQUEURS DE MOTS
Voici deux petits poèmes de Jean Tardieu, tirés du livre : "le fleuve caché" Poésies 1938-1961. Ed. Gallimard.
Tardieu est un auteur que j'affectionne particulièrement, ses textes sont de
véritables partitions que j'ai toujours eu beaucoup de plaisir à mettre en scène.
Son humour, sa subtilité, ses murmures, ses rythmes, ses mots emplis de silence,
nous font osciller de la cruauté à la joie, de la dérision au drame, dans un espace où la musique est toujours présente ou plus exactement sous jacente. Le quotidien de l'Être y
apparaît dans une dimension propre à une poésie qui se réinvente et se transforme, du silence au cri, du visible à l'invisible. Un véritable chemin initiatique.
Adamante.
Dilemme
J'ai vu des barreaux
je m'y suis heurté
c'étais l'esprit pur.
J'ai vu des poireaux
je les ai mangés
c'était la nature.
Pas plus avancé !
Toujours des barreaux
toujours des poireaux !
Ah! si je pouvais
laisser les poireaux
derrière les barreaux
la clé sous la porte
et partir ailleurs
parler d'autre chose !
La Môme Néant
(Voix de marionnette, voix de fausset, aiguë,
nasillarde, cassée, cassante, caquetante, édentée.)
Quoi qu'a dit ?
- A dit rin.
Quoi qu'a fait ?
-A fait rin.
A quoi qu'a pense ?
-A pense à rin.
Pourquoi qu'a dit rin ?
Pourquoi qu'a fait rin ?
Pourquoi qu'a pense à rin ?
-A'xiste
pas.