Partageons le vent, Grand père.
Je ferme les yeux Grand père, le vent, très présent ce jour, m’apporte les informations du lointain.
À son plus fort, passé le premier seuil des carillons bavards, m’arrivent le chant d’un coq, des bribes de voix, le ronronnement d’un moteur, le froissement des feuilles plus haut sur la colline et, presque indistinct, le cri d’un oiseau plaintif.
Je suis mentalement le chemin du vent Grand père. J’aime plus que tout son approche quand tous les arbres de la campagne se mettent à parler l’un après l’autre, avec excitation, comme pour porter une nouvelle qui ne saurait attendre.
Cela avance par vagues, vous recouvre puis disparaît.
Tout est si calme soudain, si immobile. Etait-ce un rêve ?
Alors, l’oreille aux aguets sur le lointain, commence l’attente.
Je peux rester des heures à écouter le chemin du vent Grand père, à le parcourir, à tenter de percer ses secrets, à me faire accepter de lui. Peut-être même qu’un jour, j’arriverai à entrer en osmose, je serai lui, ce vagabond épris d’espace.
Mais dis-moi, Grand père, ne crois-tu pas que le chemin du vent pourrait être le même que celui d’une vie ? Plus ou moins intense certes, mais si bref !
Et que penser de l’attitude des humains qui, de douleurs avivant la conscience, en oublis, générés par l’habitude, vivent comme s’ils étaient éternels ?
Ce n’est pas aujourd’hui que je vivrai l’osmose avec le vent Grand père, j’ai bien trop imprimé en moi la notion de l’éphémère et je tente encore, quoi qu’il paraisse, de retenir des miettes d’un passé dont je ne vois plus nulle trace autour de moi.
Je consomme l’absence au goût amer comme un médicament obligatoire.
Si c’était inutile Grand père, à quoi rimerait alors de te parler ?
Je retourne m’offrir au vent Grand père, j’ai le coeur à pénétrer les buissons en rugissant de n’être pas lacérée.
Fasse qu’il soit fort !
©Adamante