Ce jour-là le Croqueur, un sacré navire, allait reprendre la mer avec son nouveau capitaine après que le Capitaine Bruno ait décidé de rester à quai…
Je me souviens…
C’était juste après le retour au quai du Croqueur, qui rentrait de son dernier voyage.
Ce jour-là, le capitaine Bruno, fatigué par une lutte incessante contre les éléments pour garder le bateau à flots, et s’occuper au mieux des passagers, de plus en plus nombreux , qui rejoignaient le navire, avait décidé d’aller faire un tour à vélo pour se dérouiller un peu les mollets et faire un peu le vide dans sa tête.
Et en roulant, comme ça, il lui était venu une idée : il allait jeter l’ancre sur les mots et passer la main à un nouveau capitaine qui se débrouillerait parfaitement bien pour faire trimer les croqueurs sur le pont du navire.
Et cire et brique de la semaine des quatre jeudis à la quinzaine des défis en passant par l’entre deux laissé à leur appréciation.
Lui il avait donné !
Il s’était tellement bien investi pour ce navire, que le navire avait grossi, grossi, tellement grossi qu’il devenait de plus en plus vorace de temps et d’éne rgie.
Vous connaissez l'histoire de la grenouille qui voulait devenir aussi grosse que le bœuf !
« De deux choses l’une, l’autre c’est le soleil »* se dit le Capitaine Bruno.
Soit je deviens exsangue à ramer la moitié de mon temps pour ce navire qui ne cesse de se développer, soit je passe la main et je profite un peu de la vie,
avec son soleil, ses montagnes, ses chevalets, ses découvertes, la famille, les amis et une vie de blogueur pépère, cirant et briquant le jeudi et tous les quinze jours que dieu fait avec totale
liberté pour le reste du temps.
Je me suis laissé dire aussi qu’avant de passer la main, il s’était sacrément heurté à un mur en essayant de savoir ce qu’il pouvait bien y avoir derrière, vous savez ce que c’est que la curiosité. On dit même qu’il aurait rencontré Eglantine et Adamante parties faire un petit tour à bicyclette et, en suivant le petit chemin Montand, qui ne sentait pas la noisette parce que Mireille n’était pas du voyage, il aurait fait une telle indigestion de mûres que ça aurait précipité sa décision de se mettre au vert.
Ceux qui l’ont vu o nt dit qu’on aurait pu penser qu’il s’était renversé de l’encre de ses mots tant il était violet en revenant de cette balade indigeste, durant laquelle il s’était pris un super gadin à vélo, pour arriver comme une fleur, quelque peu égratigné, au beau milieu des ronces.
Cet accident lui était, paraît-il, apparu comme un signe, le signe qu’il lui fallait prendre une décision.
Et le lendemain même, il annonçait à l’équipage son départ en retraite de capitaine du navire.
Alors en grande pompe, l’équipage s’est immédiatement mis en quatre, en cinq, en plus que ça encore pour lui souhaiter bonne chance et lui dire :
Merci Cap'taine, mon Capitaine !
C’était le 22 avril 2010, à midi, je m’en souviens comme si c’était hier.
Tout le monde s’est mis à chanter : « Adieu Cap'taine, mon Capitaine, on ne vous oubliera jamais… » puis : « Ce n’est qu’un au revoir Cap'taine… ».
Ce n'était pas brillant, il y en a qui toussaient, d’autres qui reniflaient, certains qui s’étranglaient, bref, l’émotion était à son comble !
La chanson aurait fini en eau de boudin si le nouveau capitaine du Croqueur, une Dame de cœur, qui savait tricoter du Néon et garder l’esprit lucide, n’avait eu la bonne idée de faire jouer la fanfare des Beaux Art, qui était là pour la circonstance, ce qui a remis tout le monde de bonne humeur.
Et puis le Croqueur avait levé l’ancre et de loin nous avions agité nos mouchoirs en regardant le Capitaine Bruno enfourcher son vélo pour partir vers sa destinée.
Matelot Adamante
* Prévert