L’orage gronde, Grand Père,
Aujourd’hui il y avait aussi de l’orage dans ma tête. J’avais oublié qu’en plus du vent, j’étais fille de l’orage.
En revenant de cette exposition, il me semblait qu’il m’attendait, que j’allais à un rendez-vous depuis longtemps programmé, excluant tout hasard.
Je savais, comme l’on sait sans plus d’explication, qu’il m’accueillerait dès mon arrivée au village.
Plus je roulais, plus j’avançais vers la menace du ciel. Je fonçais vers la tourmente et j’en ressentais un mystérieux plaisir.
Ce plaisir si particulier que l’on a, lorsque l’on est enfant, à partir à la découverte d’un endroit chargé d’ombres, qui nous laisse le loisir d’inventer de superbes histoires dont on est le héros.
J’ai ainsi visité une grotte non loin de Viens, dans le Vaucluse. Avec mes cousins, nous avions utilisé des bougies pour tenter de percer les ténèbres, les ombres qu’elles projetaient nous faisaient jubiler de crainte.
Nous ressentions cette vieille terreur de l’inconnu, celle-là même qu’affectionnent tant les amateurs de légendes, d’histoires fantastiques ou de films de vampires.
L’humanité aime cette plage du temps, si particulière, qui laisse présager une fracture possible du quotidien permettant de penser «qu’il va enfin se passer quelque chose»!
Les premières gouttes m’ont accueillie, comme je l’avais prévu, dès ma sortie de voiture.
- «Salut toi, tu arrives à point, dans cinq minutes, j’abats ma carte : vent violent !»
- « Parfait, je rentre ! »
À peine avais-je refermé la porte qu’une mini tempête fit tourbillonner les feuilles en secouant violement les branches.
Elle balaya illico le vague sentiment d’oppression qui m’accompagnait depuis le matin.
Comme ça fait du bien d’être en harmonie avec les éléments Grand père.
Avec le tonnerre, et la pluie qui martelait le sol, j’avais l’impression d’être un géant donnant un grand coup de pied dans une fourmilière, littéralement, je tonnais.
J’entrais dans la fureur ambiante en foudroyant tout ce qui pouvait m’annihiler.
Je m’exorcisais par la voix de l’orage.
Lorsqu’enfin le calme revint, fatiguée mais libre, avec les effluves de la sauge et du romarin, je reçus le premier sourire du jour.
Je ne pouvais que le partager avec vous Grand Père.
©Adamante
Lettre à Grand Père dépôt SACD