Pour les Croqueurs de mots -sans défi- juste parce ça me
plait.
Petite pièce A Cappella, avec chœurs et récitant.
Certains mots (comme pomme, cerise...) sont repris de manière rythmée, répétitive ou non (selon les désirs du chef d’orchestre), par les chœurs qui accompagnent la voix du récitant. Ils scandent la montée progressive de l’intrigue jusqu’à l’apothéose finale tout en suivant les envolées et les involutions du texte. Une partition est en cours.
Le rêve, c’est comme une échelle qui grimperait vers l’Eden ou le pommier céderait la place au pêcher ou mieux
encore au cerisier.
Pourquoi préférer le pêcher ou le cerisier au pommier me demanderez-vous, je pourrais vous faire une réponse à la
chinoise en vous rétorquant et pourquoi pas ! mais je sens que cela ne vous satisferait pas.
Je pourrais vous dire que cette préférence aurait été plus que sage, vu ce que l’on sait de nos glorieux ancêtres qui furent chassés du paradis, à cause d’une pauvre pomme, celle connue sous le nom de pomme de la connaissance, et d’un serpent réputé terriblement dangereux, surtout si l’on en croit les écrits de Boris Vian.
Je vous entends, en quoi le serpent serait-il dangereux ? Et bien, si ce que Vian a écrit est vrai, le serpent, aurait été très gai et il aurait même joué du registre de la tentation auprès d’Adam, allant même jusqu’à tenter de séduire Gabriel, vous rendez-vous compte ?
Il aurait fait tout cela au grand dam de notre mère à toutes et à tous qui en aurait conçu quelque rancœur et aurait tenté de l’assommer avec une pomme, puis en femme prosaïque, voyant que le fruit ne pouvait servir sa colère elle aurait décidé de le manger.
Cré de Diou ! elle allait le payer toute sa vie.
Le ménage fut vite fait, le créateur, en fureur, mit tout ce beau monde à la porte et adieu l’Eden.
Désormais, pour eux et la descendance, c’est chacun pour soi, guerre, envie, jalousie, poux dans la tête, fiel, vitriol, envolées lyriques, bonne conscience… bref, je pourrais vous énumérer la liste aussi longtemps que l’infini le permet, mais vous la connaissez et avez vous aussi, sans aucun doute, payé votre tribu à l’un ou l’autre de ces maux.
Avec un pêcher ou un cerisier, dont les fruits exempts de toute calomnie, se contentent d’être des fruits succulents à consommer sans modération aucune, non seulement les femmes auraient pu prétendre à trouver l’âme sœur sans risque de demeurer vierges, mais qui plus est n’auraient jamais, au grand jamais fait l’erreur de mordre dans le fruit de la connaissance à cause d’un affreux serpent.
Enfin, tout cela, quand même c’est la rumeur, une rumeur bien établie qui fit de la femme et du serpent des objets diaboliques, tandis que l’homme, grand naïf, désigné « enjeux de leur convoitise malsaine » fut la grande victime de l’histoire.
L’histoire remonte à la nuit des temps…
Et si vous voulez mon avis, on aurait mieux fait d’oublier, nous aurions évité les bûchers épisodes douloureux de l’histoire, évitement dont les chats nous auraient été reconnaissants.
On peu relever tout de même une incohérence à cet endroit, car dans le sac, avant de les balancer au feu ou par-dessus les cathédrales, on enfermait la femme, appelée encore « bonne femme », en compagnie de son chat, mais jamais le serpent.
Pourtant cela aurait été logique, puisqu’à l’origine le serpent était le premier responsable du scandale.
Certains murmurent, mais il faut être prudent en la circonstance, que le serpent aurait évité le pire et bénéficié de la clémence des inquisiteurs à cause justement de sa particularité sexuelle. Mais peut-être le serpent a-t-il échappé au sac et aux flammes parce qu’il faut se rendre à l’évidence, il est plus facile d’attraper un chat qu’un serpent.
Cela est moins risqué car griffure n’est pas mortelle.
Bon ! Tout cela je pourrais vous le dire, mais je ne vous le dirais pas.
Je vous dirais tout de même, que depuis ce temps, les femmes ont quand même grand intérêt à revoir leur liste de courses et en proscrire la pomme…
Personnellement j’aime les pommes, mais depuis que l’on m’a raconté cette histoire, moi qui suis une femme, n’en doutez pas, une femme qui aime les chats, je regarde les pommes avec une certaine méfiance, même si je sais que c’est bon contre mon mauvais cholestérol. Dilemme, dilemme, quand tu nous tiens…
Passons !
Accordez-moi à présent de vous poser une petite question :
- avez-vous déjà cueilli une pêche ou des cerises dans un verger plein de soleil ? Une pêche bien mûre, ruisselante d’un suc à vous damner les papilles dès la première bouchée ? Des cerises si attrayantes que l’on arrive pas à s’arrêter, même en se disant : « allez, c’est la dernière » ?
Si vous avez succombé à ce plaisir, plaisir à damner un Saint, alors vous me comprendrez.
Cette succulence gargantuesque n’est comparable qu’au plaisir de descendre une rivière, dans une barque au printemps, lorsque les fées et les petits oiseaux, cédant à la pression de l’empire Walt Disney, viennent voleter et pépier autour de votre chapeau fleuri, tandis que Bamby bondit aux côtés de sa maman, qui le regarde l’œil humide de tendresse et que les petits lapins vous regardent passer en écarquillant les yeux.
Et là ce n’est pas Proust qui viendra me contredire.
Cette joie, soit dit entre nous, mesdames, si vous êtes gourmandes, pourrait bien être double si vous prévoyiez d’emporter dans votre petit panier d’osier, une pêche et des cerises à déguster dans la barque en descendant la rivière.
Imaginez l’Eden : vous êtes seule, sauf peut-être à être accompagnée d’un rameur, si vous n’avez pas suivi
mes indications, et que vous décidiez de remonter la rivière, ce qui serait, permettez-moi de vous le dire, une idée stupide.
Car si vous laissez ramer les flots à votre place, service que toute rivière bien éduquée par Dame Nature ne
manque pas d’offrir, vous pourrez faire alors le choix de laisser le rameur aux vestiaires et ainsi profiter seule de votre petit panier !
Vous pourrez alors folâtrer, abuser de votre liberté, les mains dans les poches ou les doigts dans le nez, pousser des cris d’animaux, gueuler à tue tête, éclabousser Bamby et faire peur aux lapins sans que personne ne vous regarde avec commisération.
Voulez-vous que je vous dise, notre vie eut été bien différente si Eve avait mangé une pêche ou des cerises, ça c’est certain.
©Adamante
P.S. Il est certain que je ne peux pas faire dire tout cela dans une boulangerie, dommage.
Et pourquoi pas avec un gateau aux cerises ou une tarte aux pommes ? (.../...) Non ! Bon ! J'aurais essayé !
Excellente semaine !