Non ce n’est pas le titre d’un polar !
Henri Brunel* dit du Zen :
« … Le Zen, refus du verbalisme, de l’intellectualisme, le Zen insolent,
humour, liberté, le Zen amour de tous et de tout, attentif à la plus modeste des herbes des champs »…
J’avais cru un moment, par certaines lectures, que l’analyse, le verbalisme et l’intellectualisme étaient de mise pour aborder le Zen et comprendre les enseignements de ses Maîtres. J’en étais quelque peu surprise car le Haïku, qui est une facette du Zen, n’est lui que suggestion, image, ouverture, reflet d’un état d’âme… et comme le dit si bien Brunel, le haïku c’est « le temps accordé au silence, une grâce, un secret. Un oiseau qui se pose, un instant sauvé, une brindille d’éternel. Un haïku c’est la chance offerte de tout deviner, de tout comprendre, de tout aimer, en un éclair de trois vers ».
Le haïku parfait est un petit poème composé de trois vers de cinq, sept, cinq syllabes, mais là encore, il ne faut pas sacrifier le fond pour la forme, lorsqu’une étincelle d’éternité se présente dans un haïku imparfait, il ne faut pas la laisser s’enfuir mais s’incliner en l’accueillant, c’est tellement rare !
Voici deux haïkus d’hiver de Taigi (On se les gèle Haïkus d’hiver Ed. Moundarren)
Une à une
les étoiles apparaissent
quel froid
Lune froide
seul je marche
le bruit du pont
Sans parler de la traduction, ces haïkus ne respectent pas la règle des 5/7/5, mais vous avouerez : quelles merveilles !
Lorsque j’ai commencé à donner des cours de théâtre à de jeunes élèves, à qui les professeurs donnaient des récitations à apprendre, j’étais surprise de voir à quel point ils pouvaient en massacrer l’interprétation. Alors tout naturellement pour qu’ils apprécient de dire une poésie j’ai tenté de leur donné le goût d’en écrire et j’ai utilisé ce haïku comme modèle :
Paix du vieil étang
Une grenouille y plonge
Un ploc dans l’eau
Alors, pour nourrir nos mots, nous partions pour un voyage dans l’imaginaire (souvent en s’immergeant dans l’image d’une reproduction d’un tableau) et en revenant nous écrivions, nos impressions, nos sensations, nous les dessinions (les yeux fermés) et puis nous organisions les mots pour que naisse le poème.
Et ça a marché, par l’exemple de la liberté offerte par le haïku, l’envie d’écrire et de défendre la poésie était née et, à l’école, passé le cap de se sentir un peu ridicule devant les petits camarades (les notes ont vite balayé cette retenue) ils prenaient un réel plaisir à bien dire, avec tout ce qu’il faut au fond de soi pour cela…
Et le reste de la classe, loin de se moquer, prit alors plaisir à les écouter.
Voici quelques exemples de haïkus écrits en cours (moyenne d’âge 11 ans)
L’algue s’enroule
Se déroule
Verte dans l’eau bleue
Christelle
Caresse de l’air sur ma peau
Bleu-merveille
Douceur exquise
Diane
Des hommes
La vie, le feu
Amour, liberté
Noémie
Seule
Etonnement
La Terre
Julie
Le vent souffle dans les arbres nus
Seule une lumière blanche
Espoir de fleur
Juliette
Soleil bleu donne-moi ta couleur
Pour que je puisse te rayonner
Et n’être que fluidité
Emmanuel
Et pour finir en Silence, voici cette petite histoire Zen contée par Henri Brunel :*
Un temple perdu dans la montagne. Quatre moines zen ont décidé de faire un
sesshin (sorte de retraite) dans un silence absolu. Ils sont installés en zazen. La nuit est venue. Le froid vif.
- La bougie s’est éteinte ! dit le plus jeune des moines.
- Tu ne dois pas parler ! C’est un sesshin de silence total, fait observer sévèrement un moine plus âgé.
- Pourquoi parlez-vous, au lieu de vous taire, comme nous en étions convenus ! remarque avec humeur le troisième moine.
- Je suis le seul qui n’ait pas parlé ! dit avec satisfaction le quatrième moine.
Bonne journée et soirée à tous
Adamante
* « Les plus beaux contes-zen » - Calmann-Levy