6 avril 2010 2 06 /04 /avril /2010 23:00

Thème : le chat Communauté PAPIER LIBRE 



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Il est cinq heures du matin, Grand Père. Une lune resplendissante, un ciel zébré d’étoiles filantes, un froid glacial, je me sens libre. L’hiver fait son premier clin d’œil et les herbes craquent sous les pas.

 

Le jour est à l’espoir dès avant son lever.

Hier nous avons craint pour nos protégés, une jeune chatte à laquelle nous fournissons le couvert et ses deux chatons qu’elle  nous a présentés samedi soir.

Quelle innocence, quelle grâce il émane de ces jeunes félins avides de découvrir la vie.

Quel bonheur de les observer incognito, derrière le carreau, petites boules, roux et blanc, et pleines d’entrain.

Maman est écaille, très élégante, mais très craintive, presque sauvage. Elle est née loin des hommes au fond d’une grange sans doute.

Les maîtres qui l’ont adoptée n’ont pas fait beaucoup d’efforts pour l’apprivoiser, ils lui ont donné un nom, mais ici un chat est juste bon à chasser les souris, il doit se contenter de peu.

Pourtant, sans la présence des nôtres à la maison, je suis certaine qu’elle aurait déjà franchi le pas de la porte.

 

La belle n’est pas difficile, elle mange sans sourciller tout ce que nos chats, trop gâtés, refusent. Qu’y puis-je Grand père, même notre nourriture n’est pas assez bonne pour eux ! Elle, la trouve à son goût, alors nous avons tissé des liens de bon voisinage et n’oublions jamais sa part.

Elle fait un peu partie de la famille. Une famille que nous avons vu s’agrandir avec quelque inquiétude.

Il y a déjà tant de malheureux qui parcourent la campagne et sont, un jour ou l’autre, victimes de la faim, de la route ou de la chasse, entre temps ils en profitent pour se reproduire. Il serait pourtant si facile d’endiguer cette prolifération, il suffirait de maîtres responsables...

 

Dimanche soir, la gamelle est restée pleine, lundi pas de visite.

Nous étions inquiets et avons repensé à ces trois coups de feu successifs  du dimanche après midi.

Alors, nous avons guetté fort tard, en vain.

Si nous voyons dans chaque expression de la vie une grande fratrie, si nous ressentons de l’émotion devant la fraîcheur de ce qui vient de naître, il n’en est pas de même pour la majorité des gens de campagne.

Leur regard soupèse, n’est bon à leurs yeux que ce qui est utile et durant le laps de temps où ça le demeure, ici on ne fait pas de sentiment avec les bêtes.

Combien de chatons, quel que soit leur âge,  sont  morts noyés enfermés dans un sac au fond d’un seau d’eau après s’être débattus en vain  ?

Combien ont connu la mort, projetés contre un mur, ou au bout du fusil ? Cette barbarie est monnaie courante dans les campagnes, elle est gratuite dans tous les sens du terme.

Mais que pouvons-nous en dire ? les puissants du monde entier se comportent ainsi avec les pauvres, le plus fort impose sa loi et n’a d’égard que pour ceux qu’il reconnaît comme ses égaux.

Notre petite famille, à peine découverte, risquait bien d’avoir connu le sort de tant d’autres avant elle.

Te dire Grand père notre chagrin, notre angoisse !

 

Ce matin, la gamelle était vide, un autre chat ? Puissions-nous nous être trompés et les revoir bientôt.

La nuit finissante est bien trop belle pour que la mort y ait sa place.

 

Lorsque je suis rentrée, James avait envie de sortir pour humer l’air glacé de la nuit. Malade depuis quelques mois, il n’est plus que l’ombre titubante de lui-même, alors comme je ne lui refuse rien, je l’ai enveloppé dans sa couverture et nous sommes sortis.

Tant d’attentions pour un chat, Grand Père, il y a vraiment là de quoi paraître ridicule aux yeux du monde dont je viens de parler.  Mais je ne suis qu’humaine, je n’ai donc pas le sens du ridicule.

Peu m’importe ce que l’on pense, je ne dois de compte qu’à moi-même.

Ce qui est simple se retrouve uni au cœur de l’infinie tendresse de la nature et nous avons vécu cette union James et moi, dans le froid qui nous fouettait le sang.

Bien qu’il fut  trop faible pour tenter de s’extraire de ma protection, je percevais en lui l’envie de parcourir lui-même le chemin de cette découverte, alors je l’ai déposé sur le sol, il a fait quelques pas, mordillé une herbe puis s’est allongé pour récupérer, c’était le moment de rentrer.

 

Je fais tout mon possible pour entretenir son désir de vivre et je peux lire dans son regard toute sa reconnaissance, c’est un fait nouveau qui me touche profondément.

Un lien s’est tissé entre nous qui n’existait pas avant sa maladie, un lien profond et simple, sans doute celui de l’amour de la vie.

Ce qu’il apprécie le  plus Grand père, et lui redonne de l’allant, c’est même chancelant, de marcher dans l’herbe, de s’allonger sous un rayon de soleil, d’observer le ballet incessant des oiseaux dans le pommier où  la mangeoire est chaque jour remplie de graines.

 

Il ne manque pas alors à son retour de faire encore un peu honneur à son assiette.

Comme moi, je crois qu’il a particulièrement apprécié cette nuit le sourire pâle de la lune et ce froid tout nouveau qui annonce le repos de la végétation.

 

Tout en moi chantait Grand père, et lui était heureux.

 

J’ai retrouvé l’éternité de la nature telle que j’ai pu la connaître enfant et dont j’ai rêvé chaque jour au cours de mon exil à la ville.

Plus de trente années d’espoir, et soudain voilà que tout m’est redonné.

 

Je comprends maintenant que rien ne meurt jamais, les choses se retirent ou on les perd de vue, mais jamais elles ne disparaissent totalement.

 

À bientôt Grand Père.


©Adamante

Dépôt SACD "lettres à Grand-Père"

 


 

 

 

 

 


4 avril 2010 7 04 /04 /avril /2010 16:13

Défi N° 27  de la RUCHE  


Les sensations nous lient au temps, tout comme les sentiments, les manques et les désirs.

Voilà pourquoi j'ai choisi ce texte écrit il y a quelques années pour le défi de la Ruche. Adamante


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Réchauffe-moi Grand père,

           

L’été est léger Grand père, les insectes font chanter la matinée et moi je cherche des impressions nouvelles.

Je ne veux pas parler du vent, du soleil, ni de mes états d’âme.

Je veux m’extraire  de la sensation du temps qui passe, emportant avec lui ce qui nous est cher.

Je veux, comme un chercheur d’or, trouver le filon qui me mènera vers l’inconnu.

Je compte les taches de soleil sur le sol. Les ombres qui les entourent dansent doucement, mouvement hypnotique qui me pousse insensiblement vers le sommeil.

Qu’il serait doux de s’endormir.

J’ai envie de rêver, de laisser mon esprit vagabonder sans se fixer, flottant comme ces taches qui dansent là, devant moi.

Deux magnifiques destriers apparaissent, ils frémissent, se cabrent, je les entends hennir de toute la force de mon imaginaire. Me voici subjuguée par ce  théâtre d’ombres dont je suis à la fois spectatrice et metteur en scène.  

Une onde vivifiante me parcourt, j’exulte par toutes mes cellules ouvertes. Je me nourris de cette formidable énergie que m’offre ce jeu de la lumière.

J’en bois la force, mon corps est si las ces derniers temps. J’ai besoin de cet élixir de jeunesse.

L’image de feuilles de vigne vient apaiser la scène. 

Une mélodie silencieuse s’égrène au rythme lent de leur balancement, c’est doux, c’est frais comme la sève. Je glisse insensiblement dans cette absence bienfaitrice, dans cet oubli du temps qui me fait m’oublier moi-même.

Je ne pense plus, je ne rêve plus, suis-je encore ?

Qu’importe, ce rien est un miracle, une île déserte habituellement masquée par les brumes de la pensée et des sentiments. Un malaise me ramène sur la rive des sensibilités, la  douleur de l’absence vient de se réveiller et avec elle je subis la morsure de l’ombre.

Ipa me manque, mon amour n’a plus de forme où se poser.

J’étais si bien et me voilà si mal.

À quoi cela tient-il Grand père ? les taches de soleil ne me font plus rêver.  Le jour, malgré sa joie stridulante et son éclat, n’arrive plus à me réchauffer.  J’ai froid à l’intérieur.

Du Rien, il ne me reste rien, je me sens orpheline.

Où est donc le chemin qui me ramènera vers lui ? Je l’ai emprunté par hasard, mais je sais qu’à partir de cet instant, je le chercherai ce Rien, en conscience.


Puisse-tu m’aider Grand père, à le retrouver.

 

©Adamante

Dépôt SACD "Lettres à Grand Père"

2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 12:59


 

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Partageons le vent, Grand père.



Je ferme les yeux Grand père, le vent, très présent ce jour, m’apporte les informations du lointain.

À son plus fort, passé le premier seuil des carillons bavards, m’arrivent le chant d’un coq, des bribes de voix, le ronronnement d’un moteur, le froissement des feuilles plus haut sur la colline et, presque indistinct, le cri d’un oiseau plaintif.


Je suis mentalement le chemin du vent Grand père. J’aime plus que tout son approche quand tous les arbres de la campagne se mettent à parler l’un après l’autre, avec excitation, comme pour porter une nouvelle qui ne saurait attendre.

Cela avance par vagues, vous recouvre puis disparaît.

Tout est si calme soudain, si immobile. Etait-ce un rêve ?

Alors, l’oreille aux aguets sur le lointain, commence l’attente.


Je peux rester des heures à écouter le chemin du vent Grand père, à le parcourir, à tenter de percer ses secrets, à me faire accepter de lui. Peut-être même qu’un jour, j’arriverai à entrer en osmose, je serai lui, ce vagabond épris d’espace.


Mais dis-moi, Grand père, ne crois-tu pas que le chemin du vent pourrait être le même que celui d’une vie ? Plus ou moins intense certes, mais si bref !

Et que penser de l’attitude des humains qui, de douleurs avivant la conscience, en oublis, générés par l’habitude, vivent comme s’ils étaient éternels ?


Ce n’est pas aujourd’hui que je vivrai l’osmose avec le vent Grand père, j’ai bien trop imprimé en moi la notion de l’éphémère et je tente encore, quoi qu’il paraisse, de retenir des miettes d’un passé dont je ne vois plus nulle trace autour de moi.

Je consomme l’absence au goût amer comme un médicament obligatoire.

Si c’était inutile Grand père, à quoi rimerait alors de te parler ?


Je retourne m’offrir au vent Grand père, j’ai le coeur à pénétrer les buissons en rugissant de n’être pas lacérée.


Fasse qu’il soit fort !



©Adamante


26 février 2010 5 26 /02 /février /2010 17:49

Lettres-roses.jpgÀ vous qui jamais n’avez failli.



Voici ma première lettre, la première fois, l’émotion, le trac, la main qui tremble.

Je vous ai tant parlé déjà, cela remonte au plus loin de mes souvenirs.

Je crains d’être maladroite, de trahir une vérité et pourtant je vous le dois, je le sais.

 

J’écrirai donc.


Mes mots se gonfleront de mes insouciances, de mes troubles, de mes rêves, ils relateront mes voyages, mes expériences.

 

Toutes mes richesses, je vous les donnerai.

Je comprends aujourd’hui que le partage est essentiel. Les relations épistolaires sont, mieux que la parole, un don de soi vers l’autre, et savoir donner n’est-ce pas aussi savoir prendre ? 


Ce chemin de mots, je l’emprunte avec quiétude car je n’aurai pas assez de toute ma vie pour tout vous donner, tout apprendre de vous.

Intuitivement, je le sais, j’ai l’éternité pour arriver à mieux vous aimer, cela ne m’effraie pas, j’ai toujours détesté courir.

Vitesse et initiation ne font pas bon ménage.

Le promeneur pressé ne voit rien du chemin qu’il emprunte, il s’épuise à poursuivre ses chimères, inconscient de la réalité des trésors qu’il dépasse.

Plus il avance, plus  le vide le rattrape, il va jusqu’à sombrer dans l’amertume et, se sentant trahi, finit par maudire le chemin.

S’il avait pris le temps peut-être aurait-il compris que l’essentiel tient en si peu de chose, une fleur, un rayon de soleil, une goutte de pluie, l’éclat d’un regard…

Un rien peut nous ouvrir les portes de l’infini.


Avec mes yeux d'humaine, je sais ne jamais vous voir, j’en aurais pourtant grand plaisir.

Je vous imagine assis en face de moi… Nous sommes en hiver, c’est l’heure de la veillée, des ombres glissent sur le mur. Je vous lis mes lettres.

Une vieille comtoise rythme la nuit tandis que vous réchauffez vos mains aux flammes en m’écoutant. Tout n’est que paix, j’ai le sentiment d’être enfin à ma place, je me sens  parfois si seule dans la vie des hommes.


Devrais-je donc céder à la rancœur parce que dans ma réalité quotidienne je n’ai ni comtoise, ni cheminée et que votre monde, si différent du mien, nous interdit cette rencontre  ?

Jamais!

Où que je sois, vous êtes, alors, pourquoi m’encombrer de tant ?


Dans ma grotte aux merveilles, celle qui existe quelque part en moi, je puise tout ce que je peux désirer, sans restriction.

C’est simple, j’illumine ainsi mes pensées, juste le temps nécessaire à mon bonheur, puis j’archive le tout dans la bibliothèque de mes souvenirs.

Le décor est interchangeable, il n’est que la forme, la mise en scène destinée à sublimer le présent, un simple univers de poésie tout à la fois inutile et indispensable.

Le fond, c’est la tendresse, ce rayonnement qui unit nos deux mondes.


S’il m’arrivait de vous croiser au hasard d’un chemin et que vous me saluiez par ces mots : «me reconnais-tu ?»  en serais-je capable ?

Je le crains, votre manifestation serait moins convaincante que votre présence invisible à mes côtés, les yeux du corps voient tellement moins bien que ceux du cœur.


Il m’apparaît souvent plus sage d’accorder ma confiance à ce que je ressens qu’à ce que je vois.

En ce domaine pourtant je suis prudente, il est trop facile de croire  réel ce que l’on souhaite, de se leurrer de bonne foi, par abandon de la mesure.

Rêver nécessite de garder les pieds sur terre afin d’éviter les écueils d’un vol mal assuré vers des hauteurs qui nous dépassent.

Le spirituel doit nous aider à vivre et non nous extraire de la vie.


Ceci n’exclut ni le rêve, ni le jeu.

Ainsi, dans mon enfance, ai-je souvent joué à vous imaginer. Je vous voyais comme un ancêtre jovial et accueillant. Ce vieil homme débordant de tendresse et de connaissances, ce sage sur les genoux duquel la gamine que j’étais aimait à prendre refuge, ce merveilleux grand-père, m’assurait alors sourire et protection.

Qu’aurais-je fait sans lui  ? Je sais aujourd’hui lui devoir la vie, l’innocence et la force de grandir.


Vous écrire est en quelque sorte un acte rituel par lequel je vous rends hommage.

Cette nécessité est aussi un plaisir car je suis une adepte inconditionnelle de la caverne où l’on se terre pour échapper au bruit. Je ne connais pas de plus grande satisfaction que de m’y tenir, loin de l’agitation du monde.

Que de longues heures je vous y réserve.


Maintenant, sans fausse pudeur ni prétention, je peux vous dévoiler un secret  : je souhaite un jour vous ressembler, devenir à mon tour une ancêtre, désincarnée ou non, transmettant le savoir à de jeunes esprits curieux et j’y tiens, quelque peu irrévérencieux. Ce sont les plus attachants.


Qu’en diriez-vous, si je vous appelais grand-père ?


Moi qui n’ai plus de famille qu’en photo sur les murs de mon bureau grenier, je  ranimerais avec vous le goût de mon enfance, j’assouvirais ainsi mon besoin de tendresse, ce besoin que tout homme porte en lui jusqu’à sa mort.


Je crois percevoir que cela vous plairait aussi, je vous appellerai donc Grand père désormais.


Alors, à très bientôt, Grand-père.

C’est vraiment un grand jour que celui-ci ! Vraiment !

 

©Adamante dépot SACD

 

 

26 janvier 2010 2 26 /01 /janvier /2010 01:02



Quand j’étais enfant, Grand père, mon grand-père maternel, Gabriel, était cette sorte de Dieu dont je vous parlais dans ma première lettre.

Un être exceptionnel qui savait m’aimer, tout simplement.
 
Le souvenir de l’amour tient souvent en des choses banales en apparence, mais qui vous insufflent la joie, tout au long de votre vie.
Lui, il m’avait inventé un jeu que j’adorais entre tous :  « Romano ».
Nous nous allongions sur le plancher, il me prenait dans ses bras et nous roulions, nous roulions... moi dessus, lui dessous, moi dessous, lui dessus… Comme ça, d’un bout à l’autre de la pièce, aller-retour, comme des fous, bousculant tout sur notre passage, sans précaution des pieds qui se rangeaient en toute hâte à notre approche.


Et l’on riait, riait. C’était le bonheur de vivre.
 

Ce jeu, s’il était à mon goût n’était pas toujours au goût de tous.
S’il l’avait appelé «Romano», c’était sans doute parce que dans ce vieux pays de Creuse, c’est avec ce mot que l’on désigne les gens du voyage : romanos, romanichels.
Je sais qu’au fond de lui il enviait leur liberté et contrairement à beaucoup il les respectait. J’ai toujours perçu ce trouble dans sa voix lorsqu’il en parlait. Je ressens à mon tour cette curieuse attirance qu’il m’a léguée, j’imagine qu’elle doit être de la même eau que celle des chiens pour les loups.
«Romano» c’était ma plus grande joie, un manège infernal qui me fait encore tourner la tête.

Fortement serrée dans ses bras, je ne risquais aucun mal, lui sans doute attrapait-il quelques contusions aux coudes ou aux genoux, mais je le sais, son plus grand bonheur était de lire la joie dans mes yeux d’enfant.
Ce vieux coureur des bois, ce braconnier, que je rêvais d’accompagner dans ses escapades forestières, rêve à jamais inassouvi, j’étais alors trop jeune et quand je fus en âge lui était trop vieux, m’offrait avec «Romano» ce goût de la liberté des choses «qui ne se font pas».

Quelle qu’ait pu être sa vie, quelles que furent ses erreurs, ses faiblesses d’humain, il reste à mes yeux le plus merveilleux grand-père, un grand-père comme j’en souhaite à chaque enfant.

Si vous le connaissez, Grand-père, là où vous êtes, si vous  le rencontrez, dîtes-lui à quel point je l’aimais, combien je l’estime, et qu’il n’oublie pas de me réserver une grande partie de «Romano» lorsque je le rejoindrai.

Ce me semble pourtant, il n’est jamais trop loin de moi.
Ainsi, un après-midi de printemps, alors que je me promenais dans cette campagne qui fut son berceau, juste  à la sortie du village, j’ai cru voir les herbes du chemin par ses yeux.
C’était comme s’il me parlait au travers d’elles, me faisant ressentir, en me prêtant un peu de son regard, l’amour qu’il portait à leur parfum, au souffle du vent et à cette vie bruissante de l’univers végétal.
Je sus qu’à cet instant, il m’offrait son âme et j’ai réalisé à quel point  il était bon, généreux et sensible.
Il était un enfant des bois déchiré par les contingences de la vie des hommes.

N’était-ce qu’un rêve Grand-père, un parfum d’herbes nostalgiques, la rémanence d’un passé exhalé par la terre ? Qu’importe ! C’était !
Cette petite touche de compréhension de la vie d’un autre fut un moment important de la mienne, à vous témoigner, absolument.
 
Je vous embrasse Grand-père, à très bientôt.
AD




photo©adamante
Lettres à Grand-père manuscrit protégé SACD
4 janvier 2010 1 04 /01 /janvier /2010 14:24


train 2

Le paysage est sage Grand père, avec ses interminables forêts de sapins, bien rangés en bordure de pré, qui montent à l’assaut des  collines. Mais il y a dedans une note sauvage que l’alignement n’a pas réussi à gommer.

Dans le sous-bois, ça sent la faim et l’instinct de survie et, avec l’humidité ambiante que l’on y pressent, le froid y est hostile.

La bête des légendes a toujours sa place dans l’ombre et bien que notre humanité se pense loin de ses instincts primaires, leur réminiscence vient cogner à la porte de mon esprit.

Il y a de la nostalgie dans ce paysage, une nostalgie qui jouxte une certaine terreur.

Les dents du mystère claquent dans les zones méconnues de mon âme, je frissonne.

La nuit arrive, le train alterne vitesse et rythme paresseux au passage des gares .

Il me roule, me berce, se déroule et semble glisser. Je glisse avec lui à la rencontre de ces lumières que très vite nous dépassons.

L’homme a peuplé les ténèbres de couleurs; c’est une impression féerique de les observer danser le long de la voie. Point, trait, point, trait..

En fixant le regard au plus près du ballast, la nuit se zèbre de traits lumineux, la vitesse réduit tout à la droite lorsque le regard se refuse à jouer avec la profondeur de champ.

Mais l’exercice est fatigant, je baisse un instant les paupières, le temps que s’efface le souvenir des segments éblouissants qui hantent ma rétine.

 

Lorsque je rouvre les yeux, nous plongeons dans les ténèbres d’un long tunnel.

 La vitre se fait alors miroir où mon visage se reflète ; déroutant spectacle !

«Là, c’est toi!» me murmure une petite voix intérieure.

C’est comme si je me voyais pour la première fois, je suis troublée.

Ce reflet laisse entrevoir une vérité qui m’échappe, et voilà que l’image menace de m’engloutir et de me faire disparaître.

Mal à l’aise, je regarde devant moi le siège vide. Je me sens brutalement très seule.

Si seulement tu étais là Grand père, en face de moi, roulant dans la même direction!

Nous échangerions un sourire et je me sentirais rassurée.

J’essaie de t’imaginer, de conjurer ce vide en moi.


Je sursaute !

-à quoi penses-tu ? me demande l'homme qui m'accompagne.

- à rien de précis ! 

 

 

Ce serait trop long de lui expliquer et je n’en ai pas envie.

Il m’observe, semble hésiter puis reprend sa lecture.

 

Mon regard vacille sur ce fauteuil où tu n’es pas et je sens que le reflet de la vitre m’interpelle. Je ne veux pas lui céder, il faut que je réussisse à t’imaginer, là en face de moi et faire taire cette voix qui insiste : -qui es-tu ? -qui es-tu ?

Je sais que je dois affronter ce reflet improbable qui me donne le vertige, que c’est le seul moyen de l’apprivoiser.

À trois, je l’affronte : un –deux –trois -

Je regarde la vitre, c’est la fin du tunnel, de nouveau les arbres, les petites lumières qui cavalent dans la nuit.

Je soupire, ferme les yeux et sombre dans l’absence. AD



Lettes à Grand-père déposé SACD
28 décembre 2009 1 28 /12 /décembre /2009 12:04


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Maladresse 


Encore une année qui finit, Grand Père.

J’ai vraiment sept ans sur lesquels les années s’entassent !

Cela n’est pas encore trop lourd.

Ce qui est lourd parfois, c’est le poids de ma maladresse.

Tu sais qui je suis, grand-père.

Je ne suis attachée à rien de matériel, on pourrait m’offrir un palais, une fleur ou un sourire, je choisirais le cadeau qui vient du cœur.

J’ai pris beaucoup de sourires dans ma vie et ils l’enchantent encore.

J’ai reçu des fleurs qui ne portaient qu’indifférence, je les ai oubliées.

J’ai reçu aussi quelques cadeaux précieux, ceux qui étaient portés par la tendresse, je les ai acceptés, comme on accepte l’amitié.

 

Je ne suis pas du monde du calcul, cela n’est pas toujours compris.

Qu’importe lorsqu’il ne s’agit pas de proches !

Mais, grand-père, qu’est-ce qui me rend parfois aussi stupide, aussi maladroite, aussi incapable de témoigner de ma vérité ?

 

Je manque trop souvent de maîtriser l’art du silence.

Ma pire bévue fut sans doute celle qui  me sépara d’une âme sœur en donnant de moi auprès de ses amis l’image d’une personne intéressée. Je voulais simplement encenser notre amitié.

Comme je regrette ce jour-là que ce ne fut pas une fleur qui fut à l’origine de mes propos, j’y aurai sans doute gagné de l’estime, mais il s’agissait d’un objet de valeur...

C’est là peut-être mon seul remord est-ce la blessure de mon ego qui me tourmente ou le sentiment d’avoir entaché une relation ?

La fin de l’année est le moment des vœux, je te confie le mien Grand Père.

Je sais que l’amitié est chose fragile, mais si cela est en ton pouvoir, fais que cette âme sœur comprenne et me pardonne.

Et toi, pardonne à mon manque de foi grand-père : un tel miracle est-il possible ?


 

©Adamante

"lettres à Grand père" - dépôt SACD

 

7 mai 2009 4 07 /05 /mai /2009 16:12

Ainsi qu'à mon habitude, Grand-père, je voyageais, ce jour-là encore, c’était en 1994, dans le Livre de la Vérité de Parole*. J'ouvre au hasard : quatrième porte, la lutte contre les forces du mal. Et là, enchâssée entre deux pages, à ma grande surprise, comment ne l’avais-je pas découverte plus tôt, je découvris une lettre écrite par J.C. Mardrus, à une certaine Lady R.

«La Source des Fées» à Saint Laurent sur Mer (calvados)   le 27 août 1924…
Madame,
Rentré d’un petit voyage, on me remet votre lettre qui me flatte et m’honore.
Je serais donc très heureux de causer avec vous de ce Livre qui a vos suffrages. Si une petite excursion jusqu’à St Laurent sur Mer, qui est une plage grave et pure, ne vous effraie pas trop, ce serait avec un plaisir extrême que les Fées de ma Source vous recevraient dans cette cabane en résine que j’habite.
Vous n’auriez qu’à m’envoyer ici un petit mot, deux jours à l’avance. Sinon, dans un mois, dès ma rentrée à Paris, je me ferais un devoir de me mettre à votre disposition.
Mon adresse à Paris est 202 Bd St Germain, à quelques pas de votre maison et en ligne droite.
Miss Nathalie B, qui est une amie de toujours, m’a souvent entretenu de vous.
Veuillez agréer, Madame, mes hommages très respectueux, et mes remerciements pour votre bonne grâce.»            J C Mardrus

«La route à suivre, pour venir ici de Blonville, est fort simple :
Caen, Bayeux, Formigny et St Laurent sur Mer.
Je vous attendrais, ici, à l’Hôtel Lebassacq, sur la plage, pour vous guider jusqu’à mon petit domaine.»


Était-ce un signe du destin ? le plus pur des hasards ? j’étais troublée.
De toute évidence il y avait beau temps que j’aurais dû découvrir cette lettre, il y avait là quelque chose d’incompréhensible, quelque chose de mystérieux.
Il faut dire que je connaissais Mardrus depuis l’âge de 5 ans et que je lui portais une affection toute particulière. J’avais fait sa connaissance dans le grenier de mon grand père où je passais de longues heures à rêver, parmi cette catégorie si particulière d’objets, devenus temporairement inutiles et entreposés là en attendant une improbable remise en service.
Parmi eux, deux volumes des mille et une nuits traduites par lui. J’adorais feuilleter ces livres, j'étais trop jeune pour en comprendre le sens, mais je me rappelle avoir passé de longues heures  à la contemplation de leurs enluminures.
C’était le rêve absolu, le passeport pour d’immenses voyages dans l’imaginaire.
Ils m’ont accompagnée partout et, bien que dépareillés d’une série, ils ont toujours leur place dans ma bibliothèque.
Et voilà que, curieusement, m’arrivait en main cette proposition de rendez-vous du maître tant admiré, écrite 70 ans auparavant et auquel je me sentais à mon tour conviée.
Il est des moments dans la vie où il faut se laisser porter par la vague, je décidais donc de me rendre à Caen.
Comme elle était plaisante l’idée de découvrir la source des fées du Dr Mardrus.

J’ai donc emprunté l’autoroute, t’en souviens-tu Grand père ? l’essuie glace a grincé durant tout le voyage.
Te souviens-tu aussi de la tristesse de ce jour de pluie sur la plage ? Le passé avait été rasé.
Partout, des bâtiments neufs rendaient le paysage impersonnel. Je ne savais pas où diriger mes pas.
Les quelques passants amnésiques à qui je m’adressais me regardaient surpris et impuissants, comme si j’étais débarquée d’une autre planète.
Je cherchais la source des fées et la cabane de Mardrus, et tout avait disparu Grand père, avalé par la guerre.

Le patron du nouvel hôtel, quelque peu nostalgique, avait farfouillé un instant dans un tiroir et m’avait montré des cartes postales de la plage de Saint Laurent, avec l’hôtel Lebassacq, avant…
Avant que la folie meurtrière ne la défigure et ne le fasse disparaître.
Là, sur le carton jauni, était fixée l’image d’un temps où, à n’en pas douter, pouvaient exister les fées.
Je plongeais mon regard dans l’univers captif de cette photo surannée qu’avait connu Mardrus, tentant, comme l’aurait fait André Hardellet, de pénétrer les secrets de cette image.
Où donc étaient les fées ? Étaient-elles mortes, s’étaient-elles enfuies ? s’étaient-elles cachées ?
J’espérais ce jour-là les faire sortir de l’oubli.
Alors j’ai marché, à l’aveuglette. L’eau, il n’en manquait pas, le ciel était au rendez-vous pour alimenter les sources.
Mais la source des fées, où était-elle ?

La plage était superbe, nul pas n’était venu troubler l’harmonie de cette étendue  vierge, de sable détrempé. Je contemplais l’éternité, je franchissais l’espace et le temps, projetée en 1924 et quelque part, dans sa cabane, Mardrus attendait que je vienne frapper à sa porte.
Le vent bousculait l’inanité du présent, il m’ensorcelait …
«Je n’ai respiré que par la narine de l’Océan et par l’éventail des vagues…
Salut donc, horizon splendide du ciel du nord, dans le Grand Bassin très vert…» *
Comment ne pas être pénétrée de l’énergie de ces mots devant ce paysage ? La mer avait ces tons bleu-vert que lui confère la saison d’hiver.
Les yeux rivés sur l’horizon, j’imaginais Mardrus à cette place, venu se ressourcer après de longues heures passées à traduire ces textes, témoins du savoir initiatique de l’Égypte antique.
Je l’imaginais encore marchant silencieusement en compagnie de cette lady R. à qui il avait dédié son livre, le «livre de la Vérité de Parole», par ces mots : « à lady R. ce livre qui de toute éternité lui était destiné».
Comme j’aurais aimé alors être cette lady R., moi qui étais devenue à mon tour, après deux années d’attente, propriétaire comblée au-delà de toute espérance, de ce livre classé désormais parmi les «introuvables», avec cet  exemplaire unique sur papier de chine signé par l’auteur et l'éditeur : un trésor.
Les Fées étaient au rendez-vous Grand-père, et si je n’avais pu identifier, ni la cabane, ni la source, je suis revenue riche de cette richesse destinée aux rêveurs, aux dénicheurs de rêve dont je fais partie.
Et, lorsqu’une vive lumière a traversé les flots sur l’horizon, peut-être le reflet du soleil sur la coque d’un bateau, j’ai su que ma quête n’était pas demeurée vaine, que les fées, toujours discrètes, avaient murmuré quelque vieux secret à l’oreille de mon coeur et que, sans pouvoir l’expliquer, j’en avais compris le sens.

Les fées soient avec toi Grand père.
AD


Photo du Dr Mardrus par Nadar
*extrait du livre de la vérité de Parole, hauts textes initiatiques de l'Egypte ancienne traduit par le Dr Jean Charles MARDRUS, orientaliste éminent et grand voyageur.



4 mai 2009 1 04 /05 /mai /2009 19:10

                         

Merci, Grand-père, de m’avoir incitée ce jour-là  au voyage.


Je me souviens, c’était l’automne, alors que le vent et la pluie amenaient les gens à se calfeutrer chez eux, toi, tu m’avais poussée à sortir.

J’avais donc enfilé mes grosses chaussures de marche, passé la parka bleue de mon père, trop grande pour moi, mais si confortable, j’ai juste à retrousser les manches, et j’étais sortie, laissant aux chats la garde de la maison.
 
Mes chats sont d’excellents gardiens, ils grognent et se cachent à l’approche d’un intrus car ils détestent que l’on vienne troubler leur calme.
Notre vie, il est vrai, est feutrée comme l’intérieur d’une pantoufle. On y ronronne à l’aise, loin de l’agitation et des paroles vaines.
Si je pouvais grogner parfois et me réfugier sous un meuble pour m’extraire des conventions humaines, nous serions ensemble à surveiller le pas de la porte.

Comme ce doit être passionnant, Grand père, en tout anonymat, d’étudier les pieds des visiteurs.
Leur façon d’agir, de se mouvoir doit en dire long sur leurs propriétaires.
Les chaussures, quand on sait comme eux les regarder en face, doivent exprimer le non-dit, tant dans la forme, la couleur, que dans la tenue. Et foin des apparences, une chaussure crottée peut être d’une grande attirance autour d’un pied sympathique, alors qu’une autre, cirée à refléter les nuages, peut  abriter un pied à ce point dissuasif que l’on refuse de montrer le nez.
Mais il faut être chat pour pénétrer de tels arcanes et daigner se montrer lorsque les pieds sont acceptables ou s’endormir en attendant qu’ils partent, si de toute évidence ils ne sont pas fréquentables.

Je parle chat, Grand père, de manière honorable, mais serais-je capable d’un tel discernement? 
Ah Grand père, je les soupçonne d’avoir à peine soulevé une oreille en entendant mes pas sur le gravier, ils dormaient et mes activités extérieures les laissaient indifférents.

Le vent m’a accueillie dès le pas de la porte : «en route, on t’attend quelque part et je t’accompagne!»
Nous avons marché.
Passé le portail tout gémissant de rouille, je décidais, comme toujours, de diriger mes pas vers la campagne, vers la liberté.
J’évite ainsi les rencontres liées à la traversée du village et le désagrément de me sentir  surveillée par des fenêtres faussement closes.
Il est des moments pour l’activité sociale et d’autres pour le repli.
Ici, cela m’est facile de jouer les ermites, je peux passer des jours sans voir personne et la maison, en retrait, m’aide à profiter de ce plaisir.

Très vite, je décidais de quitter la route pour emprunter, sur la droite, le petit chemin qui mène vers les bois. L’entrée en était bouchée par les ronces. N’étant pas très  volontaire, j’hésitais  à tenter leur traversée. J’avais le choix, contourner en passant dans le pré voisin ou poursuivre un peu par la route.
Avec quelque regret, je m’éloignais du chemin, la route était une solution si facile.
Mais au bout de quelques pas, je sentis que j’avais fait le mauvais choix, j’ai  trop rêvé sur ce chemin que tant de mes histoires empruntent...
«Tu ne vas tout de même pas renoncer devant quelques ronces!»
Je fis demi-tour.
Je me retrouvais devant lui et le dilemme restait entier.
J’aurais pu défier quiconque, même avec la meilleure volonté du monde, de pénétrer cet imbroglio d’épines autrement qu’armé d’une machette ou en rampant. Je pris alors la solution du pré. Au moins par le regard, je pouvais retrouver la joie que j’avais connue de si nombreuses fois par le passé.
Chacun de mes pas qui s’enfonçait dans l’herbe m’était un vrai délice. Je m’arrêtais un instant pour approfondir ce plaisir par une sorte d’enracinement volontaire afin de me livrer totalement au paysage.

Ah Grand père, la notion d’être à sa place ne pouvait mieux s’exprimer qu’à cet instant. J’étais moi, comme une excroissance des herbes, là, aussi naturellement que les pierres du muret, les arbres et les broussailles. 
Et je te sentais avec moi Grand père, très proche.
Lorsque tu m’accompagnes ainsi, je n’ai nul besoin de te voir pour te savoir à mes côtés, tu trahis ta présence par des signes en apparence insignifiants, mais si révélateurs.
Mes racines bien plantées dans le sol, au travers de cette herbe qui me caressait l’âme, j’exhalais un immense soupir d’aise. J’étais bien, si simplement bien que j’en confondais ma vie humaine au végétal.
Puis j’ai repris la marche, toujours aussi «enracinément » libre.
Nieras-tu, Grand père m’avoir attirée vers ce houx, tout couvert de boules rouges, qui m’incitait à me piquer les mains pour le cueillir, simplement parce que cela me faisait penser à Noël ?
Tu connais mes faiblesses Grand père, et tout ce qui me fait rêver. Qui mieux que toi pouvait avec tant de douceur m’amener à me sentir comme un écureuil préparant ses provisions pour l’hiver ?
En glanant ce houx, je récoltais mes souvenirs les plus chauds, ils s’inscrivaient dans le souffle du vent, aussi vivants que je peux l’être.
J’ai conscience Grand père, d’avoir réalisé au cours de ce voyage, qui était plus qu’une simple promenade, la fusion des éléments de ma vie dans le grand athanor de mes rêves.

Je me sens riche Grand père et c’est grâce à toi, à ta voix qui me soufflait de découvrir toutes ces merveilles cachées derrière ces choses en apparence banales.
 
Les mains chargées du houx, je continuais à travers champ. J’évitais les bouses de vache en pensant que c’était quand même plus agréable que de rencontrer les crottes des chiens sur les trottoirs.
 
La musique feutrée de mes pas sur l’herbe drue m’enchantait. J’oubliais tout sauf de vivre intensément ce rien immense qui couronnait mon abandon à l’air, à l’herbe, à la terre.
Face à une nouvelle averse, j’hésitais un bref instant à rebrousser chemin, mais l’attrait de la découverte était trop fort, la sensation de vivre bien trop impérieuse pour que j’écourte ce voyage.
J’accueillis la pluie avec jubilation, je lui offris de mouiller mes cheveux, d’arroser ma joie.

C’est bon, Grand père, d’avoir un corps pour percevoir le monde quand il nous fait fête.
AD


Lettres à Grand-père manuscrit protégé SACD
2 mai 2009 6 02 /05 /mai /2009 19:11



J’ai longuement marché aujourd’hui Grand père, jusqu’au parc de mon enfance.

Nous y avons cheminé ensemble bien souvent, tu te rappelles ? dans la tendresse des printemps qui ont jalonné ma vie.
J’ai retrouvé le parterre aux marguerites où nous avons cueilli tant d’énormes bouquets que ma main d’enfant avait du mal à tenir.

Te souviens-tu de ma joie Grand père, lorsque fièrement j’offrais ces bouquets à ma mère ?



La tonnelle en vigne vierge est toujours là, sur le bord du chemin qui mène à la source.
Le temps n’a pas ridé le paysage, sa force végétale éclate vers le ciel sa formidable envie de vivre. La sève rugit son désir d’expansion, de transformation.
Que d’extraordinaires chasses aux papillons nous avons vécues là, sur l’imaginaire de Brassens qui chantait dans nos têtes.
 
Aujourd’hui, curieusement, j’y  ai vécu ma mort. Je m’offrais à l’espace comme la marguerite offre son cœur au soleil.

J’avançais sur le chemin lorsque j’ai succombé à une sorte de sacrifice rituel. Je me suis vue, lapidée par ma propre main, éparpillée sur la terre qui buvait mon sang. J’étais tout à la fois actrice et témoin de la scène.
Ce n’était pas triste Grand père, ce n’était pas monstrueux, c’était naturel, une sorte de consomption sacrée, un acte de salut.
Je n’étais plus. Mon âme, éclatée comme un cristal brisé, gisait au milieu de mes lambeaux de chairs. Je le savais, je pouvais dès lors ne plus jamais être, mais je n’ai pas connu la peur. L’offrande était totale, joyeuse et grave à la fois, sans souci de l’issue.

Et la terre a frémi Grand père, et la terre a germé. Elle a donné naissance à un homme de glaise. Il était mon sang, il était le renouveau.
La créature  s’est penchée vers moi, a pris les éclats entre ses mains, unifiant ce qui avait été séparé. Alors, mon corps a retrouvé sa cohésion.
Je me suis relevée, lavée de mes scories, régénérée.
J’ai abordé la dimension du calme, de la sérénité.
En mourant à moi-même j’étais née à la vie, à ma joie.


Grand père, cette joie, je voulais la partager avec toi.

Je t’aime comme j’aime la vie, Grand père, jusqu’à l’infini inexprimable, jusqu’aux confins de l’océan secret des ondes.
AD



Lettres à Grand-père manuscrit protégé SACD

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  • Comédienne, metteur en scène, diplômée en Qi Gong, j'écris, je peins.
  • Comédienne, metteur en scène, diplômée en Qi Gong, j'écris, je peins.

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