Notre histoire est ponctuée d'écrits de philosophes passés à la moulinette de l'éducation religieuse qui a séparé les sexes jusqu'à nier l'Esprit au sexe féminin. Et pourtant l'Esprit, le Seul, l'Unique, n’a rien à voir avec un quelconque sexe. Le jour où le monde le reconnaîtra, hommes et femmes alors seront libres.
C’est pourquoi, aujourd’hui, j’ai choisi ce texte de Emily Jane Brontë.
Voici trop longtemps que tu rêves
Sans lumière, en ces jours maussades,
Alors que resplendit l’été.
Âme coureuse d’espaces, par quel triste refrain
Vas-tu clore à nouveau tes songeries ?
« Ô vienne le temps que je dorme
Sans identité,
N’ayant cure que la pluie me trempe
Ou que me couvre la neige !
« Nul Ciel promis n’assouvirait,
Même à demi, ces sauvages désirs,
Nul Enfer ne maîtriserait,
De ses flammes inextinguibles, cet inextinguible vouloir ! »
-Je le disais, je le redis,
Pour jusqu’à la mort le redire,
Trois dieux sont dans ce petit corps
Qui nuit et jour se font la guerre.
Tous ne tiendraient pas dans le Ciel,
Tous cependant tiennent en moi
Et miens doivent rester jusqu’à ce que j’oublie
Ma présente entité.
Ô vienne le temps qu’en ma poitrine
Leur combat prenne fin,
Ô vienne le jour que je repose
Sans plus souffrir !
« J’ai vu tout à l’heure un Esprit
Se tenir, homme, où tu te tiens :
À ses pieds ruisselaient trois fleuves
D’égal débit et profondeur-
« On aurait dit un fleuve d’or,
Un de sang et un de saphir,
Mais leurs trois cours se conjuguaient
Pour tomber dans une mer d’encre.
« L’Esprit vers ces flots de ténèbres
Abaissa son brillant regard
Et l’abîme, enflammé de joie,
Étincela de toutes parts,
Clair comme le soleil et combien plus superbe
Que leurs trois sources divisées ! »
-Ah ! cet Esprit, je l’ai guetté,
Voyant, je l’ai cherché tout le long de ma vie,
Au Ciel et dans l’Enfer, sur la Terre et dans l’Air,
Cherchant sans fin –et toujours mal !
Sa prunelle éclatante eût-elle illuminé
Une fois ces nues qui m’égarent,
Jamais je n’aurais eu ce cri de lâcheté :
Cesser de penser, cesser d’être !
Jamais je n’aurais dit que l’Oubli fût béni,
Ni vers la Mort tendu des bras avides,
Implorant d’échanger comme un sommeil sans vie
Ce cœur sentant, ce vivant souffle.
Oh ! que je meure, afin que pouvoir et vouloir
Terminent leur combat cruel
Et que le Bien vaincu comme le Mal vainqueur
Se fondent en un seul repos.
3 février 1845